Lorsque l’on se lance dans l’ultratrail, on se retrouve plongé dans un univers unique, où la nuit prend une dimension tout à fait particulière. Et c’est à ce moment-là, alors que l’on se trouve en plein milieu de la nature, que l’on se retrouve face à un choix : succomber à la tentation du repos ou continuer à avancer malgré les yeux qui se ferment et l’attention qui diminue.
L’ultratrail est un défi constant, un défi de résilience et de dépassement de soi. Alors, qu’on ait succombé ou non, qu’on ait dormi en marchand, il est temps de reprendre le dessus, de se réveiller d’une façon ou d’une autre et de reprendre la course avec un point de mir, les premières lueurs de l’aube qui éclaireront bientôt le sentier, apportant une nouvelle énergie et le rappel de l’objectif à atteindre : aller franchir cette ligne d’arrivée.
Certains coureurs attendent la nuit avec sérénité, avec l’envie de s’enfoncer dans l’obscurité de la nature. C’est particulièrement le cas de Kilian Jornet, il suffit de lire les passages de Courir ou mourir sur sa traversée des Pyrénées ou ses différentes tentatives de FKT pour apercevoir la poésie de la nuit. D’autres redoutent un peu plus ce moment et ses pièges, c’est le cas d’Aurélien Sanchez, finisseur de la Barkley, et grand connaisseur des courses nécessitant de passer plusieurs nuits dehors : « J’avoue que j’apprécie le moment du coucher du soleil avec les paysages que cela nous offre, mais la nuit c’est plutôt quelque chose que je redoute avec la question lancinante de savoir si je vais être rattrapé par le sommeil. On va dire qu’il me tarde que le soleil se lève.«
C’est ainsi que la nuit en ultratrail devient bien plus qu’un simple passage dans les heures sombres. Elle représente un véritable test, une épreuve de volonté et de persévérance. Les techniques pour franchir cette étape sont aussi nombreuses qu’il y a d’athlètes. Pour Paul Bonhomme, par exemple, lors de son projet Zero to Zero pour lequel il se lançait pour 28 jours de course nous racontait : « On sait que notre corps ne va pas faire de nuit complète avant un bout de temps, il faut donc le programmer à courir sur commande. » Et pour cela il faut trouver des techniques d’adaptation. « Il n’y a pas de modèle type. Je pense par exemple à Lucas Papi qui a trouvé son rythme de repos. Il s’est vachement entraîner pour réussir à se régénérer avec des micro-siestes de dix minutes. Moi je n’arrive pas à faire ça, il me faut plutôt une heure et demi de temps en temps pour pouvoir repartir. Il faut trouver un rythme qui convient, le tester et se l’approprier. »
Pour Aurélien Sanchez, les modalités de repos sont également variables entre les formats de courses : « Quand j’ai fait la traversé des Pyrénées je partais sur plus de 10 jours de courses donc je faisais des nuits de trois heures, c’est-à-dire environ deux cycles de sommeil. Quand je pars sur des courses plus courtes j’essaie de faire plutôt des siestes de trois quart d’heure max et si j’en ressens vraiment le besoin. »

Avec la nuit et le manque de sommeil apparaissent souvent les hallucinations. Sébastien Raichon, double vainqueur du Tor des glaciers et premier finisseur de la Terminorum nous racontait : « Moi c’est toujours des petites hallucinations, elles sont rigolotes. C’est des cailloux ou des souches qui prennent forme humaine. C’est sympa comme j’avais envie de voir un peu du monde, je voyais des gens partout qui m’attendaient pour m’encourager mais en fait non, mais bon ça occupe un peu c’est rigolo. Je commence à avoir l’habitude, des fois je me dis : ”regarde là-bas il y a du monde mais à mon avis c’est pas vrai”.
Si les hallucinations peuvent servir à passer le temps, elles sont aussi et surtout l’indicateur que le corps est en souffrance. Pour Aurélien Sanchez justement « Les hallucinations arrivent un peu comme un élément qui me montre que mon corps à besoin de quelque chose. Je sais que quand ça arrive je dois m’alimenter, m’hydrater, prendre un peu de caféine voire dormir. » Au risque sinon de voir les rêves de mêler à la réalité. « Des fois j’entends ou je vois des choses absurdes. Une nuit ce sont mes pieds qui me parlaient, des fois ce sont les montagnes qui me parlent…«
Car en ultratrail, chaque pas, même dans la nuit la plus profonde, rapproche un peu plus du triomphe final. Et ce triomphe, symbole de l’effort accompli, de la lutte contre les éléments et de la détermination sans faille, est une récompense bien plus précieuse que n’importe quelle nuit dans un lit douillet.






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