Jean-Michel Faure-Vincent c’est le monsieur trail de Salomon. Des dizaines d’athlètes accompagné.e.s, des centaines d’heures sur le bord des sentiers et au ravitaillement et un nombre hallucinant de victoire à la clef. Discuter avec Jean-Michel c’est revenir sur un sacré pan de l’histoire moderne du trail, un échange passionnant !

Carnet de trail : Tout d’abord pour vous présenter, pouvez-vous nous décrire en quelques mots votre job :
Jean-Michel Faure-Vincent : Pas évident à résumer, mais actuellement on peut dire que je m’occupe des rapports avec les athlètes trail de Salomon, des liens avec la presse spécialisée et aussi le support pour l’organisation d’évènements Salomon comme pour les Golden Trail Series en France ou la Maxi Race.
Carnet de trail : J’ai un peu l’impression que c’est nécessairement un travail passion, vous êtes mobilisé et mobilisable à 100%.
Jean-Michel Faure-Vincent : Oui c’est clairement ça, tu dois pouvoir être là à tout heure, à tout moment quand il y a un problèmes donc il n’y a pas d’horaire, il n’y a pas de jour et c’est normal. Le but quand on manage une équipe c’est d’être surtout là quand ça ne va pas. Quand tout va bien tant mieux, et quand on n’est pas indispensable tant mieux. Le but final c’est de réussir à ne pas être indispensable justement, c’est de faire en sorte que les athlètes soient capables de gérer leurs médias, leurs réseaux sociaux, leurs contrats annexes, etc.
Carnet de trail : Entraîneur et team manager c’est donc différent ?
Jean-Michel Faure-Vincent : Carrément ! Moi j’ai des bases sur l’entraînement, j’ai un diplôme universitaire, mais je ne marche absolument pas sur les platebandes des entraîneurs. C’est important de ne pas interférer là dedans. Le seul moment où on va s’impliquer dans ce milieu-là c’est quand on travaille sur la planification des événements et des courses de l’année ou en cas de blessures pour recaler la saison pour un retour au mieux.
Carnet de trail : Comment entre-t-on dans le Team Salomon ?
Jean-Michel Faure-Vincent : [Rires] C’est un vaste programme. A partir du moment où un athlète fait une perf on va commencer à le suivre et on va regarder si c’était une performance un peu par hasard ou si cela se confirme dans la durée. Ensuite on va le suivre globalement entre 50 à 70 semaines afin de voir ses autres résultats et aussi pour analyser progression possible.
Au final, on essaie d’identifier les futur.e.s athlètes Salomon très tôt et c’est d’ailleurs pour ça que la plupart du temps les athlètes Salomon n’ont connu que cette équipe. François d’Haene, Thibaut Baronian par exemple ils n’ont connu que Salomon. François ça fait 13 ans, Thibaut 11 ans ; ce sont donc de longues histoires entre le team et ses athlètes. Pour François c’était exactement ça. On l’a suivi pendant un certain temps et on s’est vite rendu compte qu’il y avait un gros potentiel pour ce garçon.
Carnet de trail : Est-ce qu’à côté des données physiques il y a le comportement et les valeurs des athlètes qui sont pris en compte ?
Jean-Michel Faure-Vincent : Oui clairement. Evidemment la première étape à franchir c’est le côté sport mais la seconde ce sera l’état d’esprit dans le sens : est-ce que ça va matcher avec le reste de l’équipe. L’esprit d’équipe c’est nécessaire même si on est dans un sport individuel. Tous les athlètes s’apprécient, on a la même vision de la course à pied. Ca fit entre les athlètes et ça fit aussi avec l’ADN de Salomon, c’est primordial !
Carnet de trail : Surtout que ce seront également des ambassadeurs et ambassadrices de la marque.
Jean-Michel Faure-Vincent : Oui aussi, les futur.e.s membres de la team sont destiné.e.s à être des ambassadeurs et ambassadrices pour la marque Salomon, c’est l’objectif ! L’idée c’est de véhiculer l’image de la marque sans forcément en parler. Quand on voit un athlète Salomon on sait que c’est un athlète Salomon. Thibaut ou François par exemple c’est compliqué aujourd’hui de les imaginer avec une autre couleur de maillot.
Carnet de trail : Donc il n’y a pas de côté mercato dans les équipes de trail ?
Jean-Michel Faure-Vincent : Déjà j’ai pas envie de faire venir un athlète, il faut qu’il ait envie de venir et donc souvent qu’il soit proactif. On n’est jamais allé chercher des athlètes comme ça et pourtant le team a 20 ans donc ça fait un paquet de monde qu’on a accompagné. Je pense que c’est arrivé une seule fois c’est avec Sébastien Spehler. Il voulait rejoindre Salomon, je savais que sportivement il n’y avait pas de problèmes et que ça allait matcher avec le reste de l’équipe donc ça s’est fait naturellement avec Sébastien.
Ce qui m’intéresse c’est de découvrir des personnes, par exemple Elias Kadi il explose en ce moment mais l’année dernière il était inconnu du grand public. En 2022, trois courses, trois podium ; il gagne le trail du Ventoux, troisième à la Maxi Race et troisième à la TDS tout ça alors qu’il avait un toute petite côte ITRA.
Carnet de trail : Il y a de plus en plus de critiques sur la professionnalisation du trail, qu’en pensez-vous ?
Jean-Michel Faure-Vincent : C’est un cheminement normal. On demande aux garçons et filles, nous membres des équipes, de répondre aux nouvelles attentes de ce sport et notamment des supporters. On leur demande d’être les meilleur.e.s donc c’est un peu compliqué de rien leur donner en échange. Si je demande à un quelqu’un de s’entraîner davantage si à côté il ne peut pas à cause de son job alors il faut trouver des solutions. Donc oui cela se professionnalise par respect pour l’athlète et pour répondre aux attentes de plus en plus élevées des supporters.

Carnet de trail : Les athlètes Salomon sont dans une forme stratosphérique, comment l’expliquez-vous ?
Jean-Michel Faure-Vincent : En fait c’est une de nos saisons les plus compliquées avec notamment Camille Bruyas qui est blessée, idem pour François et Elias. Mais ce qu’il y a c’est qu’on a une planification qui marche très très bien. On avait travaillé ça avec Thomas Lorblanchet en 2008-2009 et on n’y déroge pas depuis. Un athlète Salomon ne dépasse pas les dix courses dans l’année, c’est-à-dire une course par mois avec deux mois de repos, et je ne parle même pas du programme pour les ultratraileurs !
Thibaut Baronian fait une grosse saison cette année mais au final il va faire huit ou neuf courses dans l’année. On va travailler pour maximiser ces courses-là. C’est-à-dire qu’il soit bien reposé, qu’il soit frais dans la tête et qu’il ait envie à 100%. Depuis les mondiaux il n’avait pas couru, il a été pacer de Mathieu sur la Western State mais c’est tout et au final il a fait la Restonica et a gagné.
Sébastien Spehler a enchainé par exemple le trail du bout du monde et le cross au Mont Blanc, qu’il a tous les deux gagnés, mais c’est dans l’idée de se préparer pour l’Ultra Vasan qui a lieu fin août.
Du côté des ultraileurs c’est vraiment différent, on est sur deux courses dans l’année, deux gros objectifs et avec les courses de préparation on va être dans les quatre dossards maximum.
Une statistique qui est affolante c’est le nombre de victoires au regard du nombre de courses courues. On est à 54% de victoire quand un athlète Salomon s’engage sur une course. On prépare les choses et je pense qu’on le fait bien donc ça paie.
Carnet de trail : C’est quoi les grosses échéances de ces prochains mois pour l’équipe ?
Jean-Michel Faure-Vincent : Là on va être un peu off ces prochaines semaines, on n’aura personne à Chamonix [pour l’UTMB] ça va nous changer un peu. Là on va regarder du côté de la Sierre Zinal, Ultravasan en Suède… On a fait ça car on a un très gros bloc en octobre-novembre, la Diagonale, la finale des GTWS, l’ultra de Cap town entre autres.
Carnet de trail : L’UTMB fête cette année ses 20 ans, vous avez pu accompagner des coureurs sur cette course, quel est votre plus beau souvenir ?
Jean-Michel Faure-Vincent : Comme ça je dirais les victoires de François en 2014 et 2017. En 2014 parce qu’il découvrait le monde de l’ultratrail et il gagne. 2017 car c’est pour moi le plus gros combat sportif qui a pu exister. Mais il y a aussi les victoires de Michel Lanne qui gagne la CCC et la TDS à sa façon, avec beaucoup d’insouciance. La première victoire de Kilian, il débarque et il s’impose, ça a été compliqué à expliquer pourquoi et comment ce gamin avait pu gagner mais c’était extraordinaire.
Carnet de trail : D’ailleurs en 2017 c’est un doublé, François sur l’UTMB et Michel sur la TDS non ?
Jean-Michel Faure-Vincent : Effectivement et même un triplé avec un podium pour Thibaut sur l’OCC. On a refait un triplé aussi en 2021 avec Camille deuxième de l’UTMB, François, premier et aussi un podium pour Thibaut sur la CCC !
Carnet de trail : Et le plus cruel ?
Jean-Michel Faure-Vincent : Peut-être que le plus dur c’est la dernière année de Michel sur l’UTMB. On a foiré et je dis vraiment “on” car Michel n’est pas le seul à foirer sa course, on n’a pas été bon, on n’a pas bien mesurer les timings, on a sûrement pas donné les bonnes informations au bon moment à Michel…







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