Sébastien Raichon, nouvellement membre de la team Altore, est le premier finisseur de la Terminorum, la Barkley à la française. 300 km et 25.000m de d+ (à vue de nez) au cœur du massif de la Chartreuse, une course folle et un premier vainqueur tout aussi fou. Sébastien Raichon est loin d’être un néophyte de la très longue distance, il s’est notamment imposait sur le TOR 450 en septembre dernier et est également un spécialiste de raid aventure, son récit aussi humble qu’épique donne des envies d’aventures !

Carnet de trail :Après 10 jours de repos, comment ça va ?

Sébastien Raichon : Physiquement ça va même si ce n’est pas la grande forme non plus mais je récupère. Je me sens un peu lourd quand je refais des footings. Au niveau du sommeil je commence à récupérer aussi.

Carnet de trail : Comment vous êtes-vous préparé ?

Sébastien Raichon : J’ai fait le TOR 450 (course que Sébastien Raichon a remporté, ndlr), c’est pas très différent en termes de préparation car le TOR c’est énormément de dénivelé aussi. En Chartreuse c’est un peu la même chose, le ration km/d+ fait qu’on peut comparer les deux et pour se préparer j’ai fait des longues sorties de rando-courses. A vrai dire je n’ai pas fait de préparation spécifique le dernier mois, j’avais deux gros événements avant, un ultra trail de 500km en Sicile en avril et derrière j’ai enchaîné avec un raid aventure, une manche de la coupe du monde en Croatie, au mois de mai. J’ai bénéficié de ma préparation d’avant et été en rebonds après les deux dernières courses., plutôt en mode régénération-récup finalement.

Carnet de trail : Et pour la partie orientation, pas eu besoin de préparation particulière au regard de votre expérience avec des cartes en main ?

Sébastien Raichon : Je fais de la course d’orientation depuis 20 ans et en raid aventure on est que en orientation avec différents supports carto donc j’ai une grande habitude de la carte, j’adore ça en plus ! ça ne me faisait donc pas vraiment peur, d’autant plus que l’organisation disait que ça ne serait pas très difficile, c’était pas mal de suivi d’itinéraire assez simple. La difficulté, elle était surtout dans l’identification des caches où sont les livres.

Carnet de trail : Les livres à rechercher ça rappelle évidemment la Barkley, la Terminorum ne s’en cache pas d’ailleurs c’est une Barkley à la française. Après avoir vaincu la Terminorum l’idée c’est d’aller se frotter à la Barkley ?

Sébastien Raichon : Oui plus que jamais, c’est une course mythique. J’avais candidaté l’année dernière et comme je n’ai pas été pris je me suis dit que c’était le bon moment de s’engager sur la Terminorum. Comme c’est une épreuve de Laz’, l’organisateur de la Barkley regarde et suit souvent j’espère que j’ai marqué des points.

Carnet de trail : Et qui dit justement Barkley dit Aurélien Sanchez, le premier finisseur français lors de la dernière Barkley. Il était aligné au départ, c’était quoi l’ambiance ?

Sébastien Raichon : C’était une super motivation d’avoir Aurélien au départ. On se connait un peu car on avait déjà communiqué. On aime les mêmes choses, les mêmes records. Il a le record de la traversée des Pyrénées et moi des Alpes donc on s’est déjà au au téléphone mais j’étais super content de le voir. C’est une bonne personne, hyper humble; c’est toujours super agréable de discuter avec lui. On a fait le premier tour quasiment ensemble tout le long. Après on s’est pas mal croisé avec les départs dans les boucles dans l’autre sens. On échangeait quelques mots mais il m’a rapidement dit qu’il n’avait pas de bonnes sensations et finalement oui il a abandonné dans le quatrième.

Carnet de trail : B1 : vous avez fait une première boucle dans le top 10 et même rapidement constitué un groupe de tête avec 2 autres coureurs, c’était quoi l’objectif et l’état d’esprit de cette première boucle ?

Sébastien Raichon : Oui l’idée c’est de prendre des repères. Je ne voulais pas partir tout seul, il y avait Aurélien mais aussi d’autres habitués de la Terminorum qui connaissent bien la course et notamment certaines caches de livres qui peuvent rester les mêmes. Donc je me suis dit que ça ne servait à rien de s’emballer, l’idée c’était de rester en groupe. J’ai couru pas mal avec François Devaux qui m’a guidé au départ, m’a donné pas mal de conseils. Il y a un vrai esprit de camaraderie sur la Terminorum et c’est précieux. Quand on cherchait le deuxième livre on le cherchait tous et on avertit les autres quand on l’a trouvé, c’est ça l’esprit.

Carnet de trail : Donc l’objectif c’était de prendre des repères pour le sens inverse et la nuit qui arrivait ?

Sébastien Raichon : Oui tout à fait. Le sens inverse, ça fait qu’on attaque pas les caches de la même manière et ça peut changer pas mal de choses. Il y avait également quelques sentiers pas évidents à trouver donc il faut vraiment prendre plein de repères, on est sans cesse en train de se retourner pour voir la tête du chemin dans le sens inverse.

Au bout de deux tours on a un peu tous les repères, d’ailleurs moi j’ai rangé la carte à la fin du deuxième parce que je connaissais le parcours par cœur, il n’y avait pas tant de changement de direction que ça, le reste ça a été de mémoire.

Carnet de trail : B2 : Vous avez fait la deuxième boucle avec François Devaux, c’était la première nuit et la première boucle en sens inverse, quelles ont été les sensations ?

Sébastien Raichon : C’est sûr que c’était très très long. Moi je raisonne toujours pas tour, j’essaie de ne pas trop voir l’entièreté de la course qui reste, de l’objectif final car c’est assez décourageant. A ce moment-là François était mieux que moi, il m’a beaucoup aidé dans le rythme, sur la connaissance du parcours, etc. Il a fait le tempo tout le deuxième tour, c’était hyper confort. A ce moment-là c’est rigolo car il n’avait pas prévu de faire plus de trois tours car il bossait le lundi. Je lui ai dit “t’es sûr, regarde t’as la forme et on a de l’avance sur le chrono !” et au début du troisième, finalement il m’a dit qu’il s’arrangerait. Après il a flanché dans le troisième, il a pas réussi à se mettre dans le rythme sur la boucle

Carnet de trail : B3 : c’est dans le troisième tour que vous faites l’écart avec François, c’est le premier moment où vous vous retrouvez vraiment seul et vous le savez, pour longtemps, comment on gère cette solitude ?

Sébastien Raichon : A ce moment-là j’allais mieux, j’avais de bonnes sensations même si je n’arrivais toujours pas à m’alimenter mais ça c’est fréquent chez moi. Je suis un loup solitaire, j’aime assez me retrouver tout seul et prendre mon rythme. C’était très agréable d’être avec François mais me retrouver tout seul ça n’a pas été un coup dur, au contraire je me suis mis dans mon rythme et dans ma course et j’ai fait un bon troisième tour à un bon tempo. C’est là que je me suis dit que sauf accident je pouvais finir. Et puis je commence à me dire que ça serait plutôt sympa d’être le premier. J’ai de la marge, je n’ai pas de stress donc je commence à penser à la possibilité de finir. J’ai un peu de temps au ravitaillement alors que normalement c’est un peu la panique, il faut vite repartir.

Carnet de trail : Comment gère-t-on ces rares moments de repos au camp de base ?

Sébastien Raichon : Je me suis arrêté plus que prévu au final, j’ai fait des pauses d’une heure entre les tours 2-3, 3-4 et 4-5, c’était pas le plan de départ mais je m’étais dit que si j’avais de l’avance j’en profitrais pour dormir. J’ai fait trois fois 30 minutes de sieste aux trnasitions et Yannick mon assistant sur la course s’est bien occupé de moi. C’était hyper serein.

Carnet de trail : A l’arrivée de la B4 vous dites « Je crois que je vais repartir. » ça y est, vous savez que vous la finissez ?

Sébastien Raichon : La quatrième, elle était dure. Ce n’est pas la dernière, c’est de nuit, c’était vraiment dur. Le cinquième on sait que chaque livre qu’on voit c’est la dernière fois qu’on le voit, on sait que c’est l’apothéose, la délivrance.

Sur la cinquième, c’était quand même extrêmement difficile. Je ne m’alimente pas donc j’ai plus d’énergie. Je voulais vraiment accélérer pour ne pas passer une nouvelle et troisième nuit dehors et finalement je vais y passer la nuit quand même car j’arrive vers 4h00. Donc je me fais des siestes flash quand le sommeil m’emporte. A un moment donné tu n’as pas le choix que de t’arrêter car tu titubes, tu ne vois plus clair donc je dors plusieurs fois 20 minutes.

A chaque livre par contre c’est génial, c’est une étape de plus. En plus les titres sont géniaux, c’est des livres comme les Survivants, les derniers jours, etc. Sur le dernier tour je prends même le temps de regarder le livre, ce que tu ne fais pas au premier.

Carnet de trail : Vous avez eu des hallucinations dues au manque de sommeil ?

Sébastien Raichon : Moi c’est toujours des petites hallucinations, elles sont rigolotes. C’est des cailloux ou des souches qui prennent forme humaine. C’est sympa comme j’avais envie de voir un peu du monde, je voyais des gens partout qui m’attendaient pour m’encourager mais en fait non, mais bon ça occupe un peu c’est rigolo. Je commence à avoir l’habitude, des fois je me dis : ”regarde là-bas il y a du monde mais à mon avis c’est pas vrai”.

Carnet de trail :Vous avez également remporté le TOR 450 en fin d’année dernière, qu’est-ce que vous allez chercher dans ce format de course ?

Sébastien Raichon : La longue distance ne me fait plus vraiment peur. Je pense que mon expérience en raid aventure y est pour beaucoup. En raid nos coupes du monde ce sont des épreuves de 3 à 7 jours donc on a l’habitude des épreuves un peu longues et puis avec le covid quand tout s’est arrêté j’ai eu envie de traverser les Alpes, 600 km en 5 jours, en solitaire ; j’ai adoré !

Je me suis construit un endurance et un mental qui me permet de dépasser certaines limites. Aujourd’hui j’appréhende mentalement plutôt bien les courses de 300, 400 km et je prends beaucoup de plaisir sur ces formats-là. Les douleurs, la souffrance ça devient secondaire dans cet univers. J’aime l’aventure, ce qui est plein d’émotions. Il n’y a pas que les couchés et levés de soleil, il y a plein de choses, des rencontres, la faune, la flore, c’est fou ! En plus la Teminorum c’est une course particulière, c’est une belle course. Une belle fraternité, on partage énormément avec les autres coureurs.

Carnet de trail : Les prochaines courses c’est quoi maintenant ?

Sébastien Raichon : Je retourne au TOR des glaciers en septembre, j’ai vraiment adoré le parcours, c’est le plus beau que j’ai fait en ultra. Après j’ai les championnats du monde de raid aventure en octobre. Ça fait déjà deux gros rendez-vous cette année et puis j’espère que la première course de 2024 ça sera la Barkley, j’aimerais vraiment !

8 réponses à « La Terminorum de Sébastien Raichon »

  1. […] de l’épreuve, c’est aussi le premier finisseur de la Barkley à la française, la Terminorum. Sébastien Raichon est professeur de sport mais c’est aussi une sommité de […]

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  2. […] souvent les hallucinations. Sébastien Raichon, double vainqueur du Tor des glaciers et premier finisseur de la Terminorum nous racontait : « Moi c’est toujours des petites hallucinations, elles sont […]

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  3. […] dans le milieu de la longue distance, des ronces et des cartes. Vainqueur de plusieurs TOR, finisseurs de la Terminorum mais aussi parmi les meilleurs mondiaux en raid aventure, Sébastien touche à tout les pans de la […]

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  4. […] monde bercé par les hallucinations. Sébastien Raichon, double vainqueur du Tor des glaciers et premier finisseur de la Terminorum nous racontait : « Moi c’est toujours des petites hallucinations, elles sont […]

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  7. […] défis l’attendent, comme la Terminorum en Chartreuse en juin, une course qui lui a manqué l’année précédente. Il mentionne également le TOR […]

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