La Great Himal Race (GHR) est une course extrême et fantastique qui se déroule dans l’Himalaya oriental au Népal. Le tracé de la GHR suit celui du Great Himalyan Trail, chemin assez récent puisque les premières mentions de ce parcours remontent à 2009, qui petit à petit grandi jusqu’à s’étendre maintenant du Bhoutan au Cachemire sur 4500 km. Cette deuxième édition a relié Hilsa, un village frontière à l’ouest du Népal, et le camp de base du Kanchenjunga, à l’extrême est du pays, 1600km plus loin.
L’idée de cette course c’est de s’inscrire dans la lignée des grandes traversées himalayennes, comme celle des Anglais Richard et Adrian Crane en 1983, qui ont parcouru 3250 km en 101 jours. Ou encore celle des Français Paul-Eric Bonneau et Bruno Poirier en 1994, qui ont traversé l’Himalaya népalais d’est en ouest en 42 jours, avalant 2000 km et un dénivelé positif de 55.000 m. C’est d’ailleurs à l’initiative de Bruno Poirier que cette course plus que particulière existe.
Lors de cette deuxième édition de la GHR, Fleury Roux a pu nous faire rêver avec son récit quasi quotidien de son aventure et ses photos à couper le souffle. Aujourd’hui, il revient sur son expédition.

Carnet de trail : Comment te sens-tu après quelques jours de repos ? et comment se passe la reconnexion avec une vie plus “normale” ?
Fleury Roux : Je suis rentré il y a une semaine et là j’ai la fatigue qui retombe. Je sens comme une grosse décompression. Je dors beaucoup, je mange beaucoup. Le corps à envie de récupérer et m’envoie des signaux. Je ne sais pas combien de temps ça va prendre pour réellement récupérer, pour le moment je ne suis pas projeté sur la suite même si je reprends le boulot d’accompagnateur en montagne la semaine prochaine et côté reprise du sport, je compte reprendre un peu de vélo et des footings dans quelques jours.
Partir à l’aventure
Carnet de trail : Comment t’es venue l’idée de faire cette course?
Fleury Roux : J’avais déjà voulu faire une itinérance dans le Népal mais avec le Covid ça s’était annulé. A l’origine je voulais y aller pour préparer un autre projet, Across Norway qui est une course à travers la Norvège, 83 jours en orientation, et je voulais aller là-bas car j’ai toujours été attiré par le Népal. Cette année-là ce projet avait été annulé donc je savais que ce serait pour une autre fois. Je connaissais Bruno Poirier de nom et je savais qu’il organisait des courses, plutôt confidentielles, là-bas. Quand j’ai vu que la Great Himal Race était organisé en 2024 je me suis dit qu’il ne fallait pas passé ça, la dernière était en 2017, donc on ne sait pas quand sera la prochaine!
Carnet de trail : Comment as-tu financé ce projet?
Fleury Roux : C’est un projet qui a coûté au total dans les 7.000€ avec le transport, l’organisation sur place, l’agence, les permis pour traverser les différentes vallée au Népal, le logements, etc. Pour financer ce montant j’ai eu une aide financière par mon équipe, Kiprun, et j’ai pu compter sur le soutien d’autres partenaires que je connaissais qui voulait soutenir ce projet. Pour le reste c’était sur mes économies personnelles mais j’ai pu avoir grosso modo 4 ou 5 milles euros de financés.

Carnet de trail : Comment prépare-t-on ce genre de projet ? Physiquement et logistiquement?
Fleury Roux : C’est la prépa logistique qui m’a le plus demandé de temps. L’organisation donne des conseils sur le Népal, donne le programme etc. mais après on est en autonomie, il faut donc prévoir le matériel. Ensuite on n’a pas vraiment d’itinéraire précis, on est libre. Ils nous donnent un point de départ et un point d’arrivée et après on peut dessiner notre parcours comme on veut donc il faut étudier un peu les cartes même si celles-ci ne sont pas très précises et qu’on a dû revoir nos plans sur place, jour après jour.
Concernant la prépa physique et mental c’était pas mal basé sur mon expérience que j’ai peu avoir avec Across Norway. Je sais que c’est vraiment les 6-7 premiers jours qui comptent; ensuite le corps s’adapte à l’effort qu’on lui demande. Je n’étais pas inquiet sur ce plan-là. Donc en amont je n’ai pas eu besoin de faire des sorties longues ou autres prépas spécifiques. Rien en plus que d’habitude on va dire, même s’il faut l’avouer mon boulot d’accompagnateur en montagne aide pour avoir cette endurance.
Par contre ce qui n’a pas aidé c’est que je me suis cassé la clavicule et j’ai dû me faire opérer deux mois avant. A cause de ça je n’ai pu tester mon matos vraiment qu’une seule fois.
La routine
Carnet de trail : Comment se passaient tes journées?
Fleury Roux : On avait une routine quotidienne bien réglée. Lever vers 5h-5h30 avec le soleil. On petit-déjeunait et on partait tous ensemble vers 6-7h. Durant la journée, on se séparait, on marchait/courrait toute l’étape et de mon côté j’arrivais vers 12-14h la plupart du temps. Il fallait alors trouver un lodge, et manger rapidement pour reconstituer les stocks le plus efficacement possible. Et ensuite j’essayais de laver les affaires et de me laver aussi. Puis souvent une sieste en attendant que les autres arrivent. On dînait tous ensemble et vers 20-21h on était au lit.


La GHR ne ressemble pas aux courses que l’on peut connaître classiquement. Sa distance déjà fait de cette course une aventure, son fonctionnement aussi. Les athlètes sont encadrés mais restent extrêmement libre de s’organiser notamment concernant le parcours. « Sur le programme, on avait un point de départ et d’arrivée pour chaque étape. Ensuite dans la journée chacun fait ce qu’il veut, chacun choisit son chemin. Globalement on fait les mêmes étapes mais pas les mêmes itinéraires. Le groupe s’est divisé à un moment en sous-groupe notamment lorsqu’on est arrivé sur un endroit où certaines personnes nous disaient que les cols étaient très enneigés. Certains parmi nous sont descendus dans la vallée, de mon côté, avec d’autres, j’ai fait le choix des cols et ça l’a fait ! L’ensemble du groupe s’est reconstitué plus tard« .

Crédit : Elmnt Studio
17 fois 5000m
1600km en 50 étapes, le ratio fait évidemment un peu peur. Les étapes doivent s’enchaîner et les kilomètres aussi. « En moyenne les étapes faisaient une trentaine de kilomètres mais ça dépendait aussi de l’altitude notamment lorsqu’il y avait des gros cols comme à plus de 5000m d’altitude. Dans les vallées, les étapes étaient un peu plus longues mais la plus longue était, je crois, de 48km ». Mais ces étapes sont autant d’occasion de découvrir un pays et ces multiples facettes. « On avait une diversité de paysages fantastique. On est passé par beaucoup d’altitude, de 400m au minimum jusqu’à 5.700m. On a vu des climats vraiment différents à toutes altitudes, donc des fois à la même altitude il y avait des glaciers des fois c’était sec et très minéral. Un peu plus bas, on passait dans des alpages qui montaient parfois jusqu’à 4000m, en dessus il y avait tantôt de la jungle, tantôt des forêts de rhododendrons, des rizières…
Et puis autour de nous on voyait toujours des sommets enneigés, c’était vraiment impressionnant de voir cette multitudes, ça ne s’arrête jamais« .

Avec notre regard européen on ne s’imagine pas courir à 5.000m d’altitude. Déjà parce que rien sur notre continent n’atteint cette altitude et que ce qui s’en approche est impraticable pour la course à pied. Mais dans l’Himalaya c’est différent et les cols s’enchaînent, notamment ceux à 5000m. « Enchaîner les cols à 5000m c’était quelque chose. Il faut être bien acclimaté. Au départ, on n’a eu que trois jours, donc c’était insuffisant. Les premiers cols on y allait tranquille mais plus on avançait plus on se sentait bien. C’était vraiment intéressant de voir son corps évoluer, s’acclimater et se sentir de plus en plus à l’aise avec l’altitude« .

Crédit : Elmnt Studio
Carnet de trail : Vous aviez des journées de repos prévues au programme?
Fleury Roux : En fait il n’y avait pas vraiment de journée de repos inclus dans le programme mais des jours de sécurité. Ces jours-là étaient prévus pour si jamais les cols ne passaient pas on avait la possibilité d’attendre une meilleure météo par exemple. Mais on n’en a pas eu besoin pour ces raisons-là.
Par contre, lors de notre premier col à 5000 on avait une longue étape avec une redescente dans la vallée qui a fait durer l’étape pour certains. Le jour de sécurité, là a servi pour attendre que le groupe se reforme. C’était un jour de repos forcé pour nous et les autres ont fait l’étape en deux jours. Un autre jour de repos était à Muktinath, car notre itinéraire était plus court au Dolpo, et donc là aussi on a dû attendre les autres. Dans l’Everest, avec d’autres on a décidé de faire une boucle en plus, donc cette fois pendant que je courais d’autres avaient un jour de repos. Et sinon j’ai pris un jour de repos pour être avec l’équipe du film qui était venu faire des images de ce projet. Par contre les autres ayant continué j’ai dû les rattraper, ça m’a pris 3-4 jours avec des étapes plus longues et un itinéraire un peu plus court et plus rapide.

Carnet de trail : Comment as-tu géré l’accumulation de la fatigue, tant physique que morale?
Fleury Roux : L’avantage des demi-journées c’est que j’avais du temps pour récupérer et me reposer dans l’après-midi. Le corps s’habitue à cette fatigue physique, on a plein de petit bobos, des douleurs, des tensions, notamment les premiers jours, qu’on laisse passer. Donc sur le plan physique ça allait plutôt.
La fatigue mentale c’était surtout les dix derniers jours pour moi. La météo n’était pas super, donc c’était assez frustrant. Il y a aussi le fait qu’on sait que la fin de l’aventure approche.

Elmnt Studio qui a rejoint Fleury Roux durant son aventure et qui est à l’origine des photos sera aussi derrière un film prévu pour cet hiver.






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