La recordwoman du dénivelé en 24h, et quatrième performance mondiale avec 16 572 m, a pris le départ du 37ème Marathon des sables et l’a fini à la cinquième place ! Elise Delannoy est une accro à l’aventure et au dépassement de soi et échanger avec elle ne donne qu’une seule envie : se lancer dans de nouvelles expéditions trails. Alors avant qu’elle ne parte pour de nouveau défis on voulait revenir sur cette folle course.

Carnet de trail : Nous sommes quelques jours après la fin du Marathon des sables, comment allez-vous ?

Elise Delannoy : Ça va plutôt bien ! Je suis partie avec une angine/rhume qui m’a coûté des saignements de nez récurrents sur la course, je reviens avec et une extinction de voix car l’air sec a empiré le phénomène. J’ai aussi quelques belles ampoules à soigner dont une infectée et enfin je dégonfle ; lol ; j’ai fait une rétention d’eau dingue avec la chaleur et les gélules de sel à prendre. Mon sac ne fermait plus à l’étape 4 car j’avais pris quelques tours de taille ! Mes jambes étaient comme des poteaux. Je revis !

Pour la récupération, c’est REPOS sportif complet ! Et cure de vitamines pour que le corps se retape. J’en profite pour voir des amis et raconter l’aventure, et cela permet de bien s’alimenter. Le travail aussi a repris, il permet de retrouver une routine. Pas toujours facile de revenir à la vie réelle après une telle aventure !

Carnet de trail : Vous êtes 5ème de cette édition, quel bilan de ces quelques 260km dans le désert ?

Elise Delannoy : EPIQUE ! DUR ! AU MENTAL !
J’ai eu un saignement de nez à 10min du départ de l’étape 3 après une nuit quasi blanche due à la diarrhée (déshydratation). J’ai cru que tout allait se stopper sur un abandon. Et finalement, le miracle du Coalgan m’a sauvé la mise, j’ai pris le départ en catastrophe, nez coulant. Cela a tenu et je me demande encore comment aujourd’hui. Même galère sur les 20 derniers kilomètres de la longue. Ce qui m’a obligé à freiner le rythme pour faire baisser le cardio afin de faire cesser les saignements. Mais les galères font partie du jeu. Le tout est de rester mobilisé. Le mental fait le boulot, on ne réfléchit plus normalement sur ce type d’aventure.

Carnet de trail : Qu’est-ce qui va a paru le plus fou dans cette aventure ?

Elise Delannoy : Le plus fou a été l’étape de 90 km sous une chaleur dingue, hors norme avec le parcours très dur qui ne m’a finalement semblé pas trop longue. J’avais mentalisé les choses et étant partie avec les 50 meilleurs 3H après tout le monde, je me suis « occupée » en encourageant chaque concurrent que je dépassais, c’était grisant car eux même me répondaient. On se souriait dans la souffrance. Humainement c’était un moment fort, de partage et de motivation mutuelle. J’ai vécu cette étape dans le doute jusqu’au 63eme kilomètre et ensuite je savais que tout irait bien, la température ayant baissé, il ne me restait « que » 27 kilomètres.

Carnet de trail : On a beaucoup entendu parlé de la triche et de la sanction de Rachid El Morabity pour une aide extérieure alors que c’est formellement interdit. Quel impact ça a eu en interne, sur la course, les coureurs et coureuses ?

Elise Delannoy : Sur cette affaire, on a juste entendu parler de cela le jour de repos. Nous sommes tous tellement cloisonnés dans nos tentes respectives à attendre que le soleil baisse, à essayer de ne pas avoir un coup de chaud que la nouvelle n’a pas trop perturbée les coureurs.

Ils étaient dans la tente 1, moi la 62 donc je n’avais pas de vue sur la manière dont s’est déroulé la chose.

Carnet de trail : UTMB, Marathon des sables, record de dénivelé et j’en passe, vos objectifs sont tous tournés vers de la longue distance et de longs efforts, comment expliquez-vous cet engouement pour ce type d’effort ?

Elise Delannoy : La réponse est simple : mon corps est fait pour cela ! Je suis un « diesel » capable de tenir la même allure durant des heures et des heures, je suis aussi une usine à manger, mon estomac est capable d’enfouir tout ce que je lui donne (sauf au record 24H ! où l’effort est différent par sa redondance) donc j’ai toujours un apport d’énergie constant pour avancer. J’aime aussi cet effort où l’on va chercher loin, où il faut se concentrer sur de petites choses pour ne pas penser à la ligne d’arrivée bien trop loin pour réussir à avancer kilomètre après kilomètre.

Carnet de trail : De telles courses font nécessairement appel à un mental d’acier, c’est quoi vos trucs pour franchir ces moments de vide ?

Elise Delannoy : Je pense à mes proches, ma famille, mon mari, je l’entends m’encourager en résonance dans ces moments difficiles. Je pense à mon frère décédé à 21 ans qui a trop peu vécu de choses. Ce type d’effort c’est pour moi une revanche sur ce coup dur que la vie m’a fait vivre à 14 ans. J’ai rebondi en utilisant cette force qui en est ressortie et je l’utilise dans ces moments.

J’ai beaucoup pensé à Isa, mon amie décédée cet hiver bien trop tôt qui adorait me suivre dans mes aventures.

Carnet de trail : Vous avez le record féminin de dénivelé mais surtout vous êtes la 4e meilleure performance mondiale de tous les temps derrière trois hommes. Vous parlez justement souvent de la place des femmes en ultra, est-ce que ça change petit à petit ?

Elise Delannoy : Selon moi, physiologiquement, les femmes ont des capacités d’endurance supérieures aux hommes. En prenant en compte uniquement la masse grasse par exemple, elle est à taux moyen bien  supérieure donc on « dure » plus longtemps. La souffrance arrive plus tard, ce qui peut expliquer le peu d’abandon dans notre catégorie. Chacun à son avis sur le sujet, chaque être est unique mais je reste persuadée que sur le très-très long, les femmes ont plus de facilité physique. [et Courtney Dauwalter est plutôt là pour lui donner raison ! ndlr]

Carnet de trail : Questions récurrentes mais avec ces heures à passer à courir vous vous l’êtes très certainement déjà posée : pourquoi vous courrez ? Qu’est-ce que cela signifie pour vous courir ?

Elise Delannoy : Je cours pour retrouver un état de « bien être », cette sensation unique produite par la dopamine et les endorphines, c’est une drogue je pense….Alors comme toute drogue, on en redemande toujours plus ! J’ai aussi besoin de ce contact avec la nature, comme une communion avec elle. Seul le trail me permet de retrouver cet état. C’est un équilibre, un besoin. Les périodes de blessures sont assez difficiles à accepter car le trail est un vecteur de bonheur important dans ma vie.

Photo d’illustration ©Johne Rimbot, utilisée avec la courtoisie de l’athlète.

2 réponses à « Elise Delannoy, accro à l’aventure »

  1. […] l’UTMB, 5ème de la MDS 2023, recordwoman de dénivelé positif et accro à l’aventure, nous disait en mai dernier à propos de la longue distance : « mon corps est fait pour cela ! Je suis un « diesel […]

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